La communication scientifique et gouvernementale sur la pandémie de la COVID-19 est essentiellement basée sur les données des chiffres du nombre de contaminations journalières et du pourcentage d’efficacité d’un vaccin.
Toutes ces données sont malheureusement souvent interprétées à tort dans diverses publications journalistiques et sur bien des sites Internet et participent à une certaine forme de désinformation, certes la plupart du temps involontaire. Elles nécessitent donc quelques éclaircissements à l’aide d’exemples afin d’éviter nombre de contresens.
En particulier, le pourcentage d’efficacité d’un vaccin est une notion essentielle qui permet de mieux comprendre les chiffres fournis par Santé Publique France.
Mais il y a aussi une donnée dont on parle beaucoup moins et qui est cependant bien plus pertinente et aisée à comprendre. Il s’agit de l’indicateur d’efficacité d’un vaccin.
On parle beaucoup des vaccins Pfizer et Moderna qui affichent une efficacité proche de 90% (je prends ici des chiffres « rond » pour simplifier la lecture)
L’erreur la plus souvent rencontrée est d’en déduire que 10% des personnes vaccinées ne sont pas protégées par le vaccin et sont donc susceptibles de contracter la COVID-19. C’est hélas la réponse spontanée donnée en général à la question portant sur la signification de l’efficacité du vaccin.
Ceci est un énorme contresens qui laisse la porte ouverte à toutes les dérives d’interprétation.
La deuxième erreur la plus fréquente et source également de bien des dérives est de dire que, comme le nombre ou la part de vaccinés parmi les malades augmente, alors le vaccin n’est pas efficace.
Cette deuxième fausse information est encore plus grave car elle peut induire un certain scepticisme et de la frilosité à l’égard de la vaccination.
Cela n’est pas sans conséquence car de fait, l’objectif d’atteindre une immunité collective et de revenir à une vie normale s’en trouve malheureusement compromis.
Il faut revenir à une définition assez claire mais inévitablement mathématique puisqu’il s’agit d’un calcul de pourcentage.
Le pourcentage d’efficacité d’un vaccin est le pourcentage de baisse correspondant au rapport d’efficacité R entre la proportion de malades parmi les non vaccinés et la proportion de malades parmi les vaccinés. On a donc :
pourcentage d’efficacité = (1 – R) x 100
Le pourcentage d’efficacité correspond donc à un rapport de proportions ce qui diffère grandement de l’interprétation erronée mentionnée ci-dessus.
En fait il y a un autre paramètre qui est bien plus simple à comprendre : il s’agit de l’indicateur d’efficacité \(\bf k = {1 \over R}\) . C’est l’inverse du rapport d’efficacité et il correspond au coefficient multiplicateur entre la probabilité pour une personne non vaccinée d’être malade et la probabilité pour une personne vaccinée d’être malade.
Des exemples pour bien comprendre :
Premier exemple dans une population de 100 millions d’habitants où il y a autant de vaccinés que de non vaccinés avec un taux d’efficacité de 90% (donc un rapport d’efficacité R = 1 – \(90 \over 100\) = 0.1)
Supposons que l’on ait recensé 10000 nouveaux malades. Le taux d’efficacité permet de calculer le nombre de non vaccinés parmi les malades et par suite le nombre de vaccinés parmi les malades selon la formule suivante :
\(\textbf {nombre de non vaccinés parmi les malades }\bf = {p(non V) \over p(V) \times (R+{p(non V) \over p(V)})} \times \textbf { nombre de malades}\)
où p = proportion, V = vacciné et R = rapport d’efficacité du vaccin
donc nombre de non vaccinés parmi les malades \(= {0.5 \over 0.5 \times (0.1+{0.5 \over 0.5})} \times 10000 = 9091 \)
Il y a donc 9091 malades non vaccinés et 909 malades vaccinés.
Le risque de contracter la maladie est donc de \(9091 \over 50000000\)= 182 pour 1 million pour les non vaccinés contre \(909 \over 50000000\) = 18 pour 1 million pour les vaccinés.
Une personne non vaccinée a donc 10 fois plus de chances d’être malade qu’une personne vaccinée.
On retrouve ici l’indicateur d’efficacité \(\bf k = {1 \over R} = {1 \over 0.1} = 10\)
Deuxième exemple dans une population de 100 millions d’habitants
vaccinée à 60% (donc 40% non vaccinés) avec un taux d’efficacité de 90%
(donc un rapport d’efficacité de 1 – \(90 \over 100\) = 0.1)
On recense ici aussi 10000 malades (pour faciliter la comparaison). La formule ci-dessus donne les résultats suivants :
Sur 10000 malades, il y a 8696 non vaccinés et 1304 vaccinés.
Une personne non vaccinée a \(8696 \over 40000000\) = 217 chances sur 1 million de contracter la maladie.
Une personne vaccinée a \(1304 \over 60000000\) = 22 chances sur 1 million de contracter la maladie.
Ici aussi, le risque de tomber malade est 10 fois plus important pour les non vaccinés. On retrouve l’indicateur d’efficacité.
Comparons les deux premiers exemples :
Pour le même taux d’efficacité et pour un même nombre de malades recensés, le nombre de malades vaccinés ou non vaccinés varie selon le pourcentage de vaccination de la population.
Ainsi, plus ce pourcentage est élevé, plus le nombre de malades vaccinés augmente.
Cependant, le risque d’infection reste toujours 10 fois plus important chez les personnes non vaccinées que chez les personnes vaccinées puisque l’indicateur d’efficacité reste à 10.
Troisième exemple
Pour aller plus loin toujours avec un pourcentage d’efficacité de 90% mais dans une population vaccinée à 95%,
on obtiendrait alors pour 10000 malades, 3448 non vaccinés et 6552 vaccinés représentant respectivement un risque de contamination de 689 pour 1 million pour les non vaccinés et de 69 pour 1 million pour les vaccinés.
Il y a plus de malades vaccinés car ils représentent la grande majorité de la population mais le risque de tomber malade reste toujours 10 fois plus élevé chez les non vaccinés.
A partir d’un certain pourcentage de vaccination et selon le pourcentage d’efficacité du vaccin (environ 91% pour
une efficacité de 90%), les malades vaccinés deviennent obligatoirement majoritaires.
Quelques exemples rapides d’interprétation avec un pourcentage d’efficacité différent
– prenons un pourcentage d’efficacité de 95%. On a alors R = 0.05 et donc k = 20
Un vaccin efficace à 95% signifie donc que les personnes non vaccinées ont 20 fois plus de chances de tomber malades que les personnes vaccinées.
– prenons un pourcentage d’efficacité de 60%. On a alors R = 0.4 et donc k = 2.5
Un vaccin efficace à 60% signifie donc que les personnes non vaccinées ont 2.5 fois plus de chances de tomber malades que les personnes vaccinées.
Lors des essais de phase 3
On constitue deux groupes de même effectif : l’un a qui l’on injecte le vaccin et l’autre à qui on injecte un placebo.
Les deux groupes doivent être d’un effectif suffisant afin que la phase 3 soit validée. Pour le vaccin Pfizer, les deux groupes étaient constitués de 15 à 20 mille personnes chacun (on prendra 15000 pour les calculs).
Une fois l’injection effectuée, on attend qu’un nombre suffisant de personnes tombent malades pour faire l’étude statistique et calculer l’efficacité du vaccin. Toujours pour Pfizer, on a attendu que 170 personnes aient contracté la maladie.
sur ces 170, il y en avait 8 dans le groupe des vaccinés et 162 dans le groupe témoin qui avaient reçu le placebo.
Les proportions respectives de malades sont donc de \(8 \over 15000\) chez les vaccinés et \(162 \over 15000\) chez les non vaccinés.
Si on fait le rapport de ces deux proportions, on obtient
R = 0.049 soit un pourcentage d’efficacité égal à (1 – R) x 100 = 95.1% et l’indicateur d’efficacité \(\bf k = {1 \over R} = 20.25\)
Le groupe des non vaccinés avait donc 20.25 fois plus de chances d’être infecté que le groupe des vaccinés ce qui correspond à une efficacité de 95.1%
Autre exemple pour calculer le pourcentage d’efficacité
Lors des essais de phase 3, les deux groupes sont de même effectif ce qui simplifie les calculs mais dans un pays donné, les parts de vaccinés et de non vaccinés sont différentes
Prenons un pays de 70 millions d’habitants dans lequel il y a 40% de vaccinés (soit 28 millions) et 60% de non vaccinés (soit 48 millions). On observe 20000 malades dont 1250 chez les personnes vaccinées et donc 18750 chez les personnes non vaccinées.
proportion de malades parmi les vaccinés = \(1250 \over 28000000\)
proportion de malades parmi les non vaccinés = \(18750 \over 42000000\)
rapport d’efficacité = \({1250 \over 28000000} \over {18750 \over 42000000}\) = 0.1 ce qui correspond à une efficacité de 90%
Le pourcentage d’efficacité se calculant de la façon suivante : ( 1 – rapport d’efficacité) x 100 = 90%
L’indice d’efficacité est \(\bf k = {1 \over R} = 10\)
Une personne non vaccinée a donc 10 fois plus de chances d’être malade qu’une personne vaccinée ce qui correspond à un pourcentage d’efficacité de 90%.
Il est intéressant de calculer le nombre de nouveaux cas que l’on aurait si personne n’était vacciné et ce pour une efficacité donnée du vaccin.
Ce calcul est un simple calcul de proportionnalité à partir du taux de non vaccination et du nombre de non vaccinés chez les malades (obtenu grâce au pourcentage d’efficacité du vaccin par la formule vue plus haut).
\(\textbf {nombre potentiel de malades } = {{\textbf {nombre de non vaccinés chez les malades } \times 100} \over (100 – \textbf {pourcentage de vaccination})}\)
Par exemple, prenons une population vaccinée à 60% où l’on a recensé 20000 nouveaux cas.
Avec un taux d’efficacité de 90%, Il y aurait alors 17391 non vaccinés parmi les 20000 nouveaux cas.
Le calcul donne alors \(17391 \times 100 \over 40\) = 43478 cas potentiels si la population n’avait pas été vaccinée.
Comparés aux 20000 cas recensés, le bénéfice est donc considérable et est d’autant plus grand que le pourcentage de vaccination augmente ainsi que l’efficacité du vaccin.
Le nombre de malades diminue avec l’augmentation de la vaccination et donc le risque de développer des variants aussi. Au final, le nombre de malades finirait par ne pas être suffisamment important pour que le virus parvienne à muter et on pourrait avoir l’espoir de parvenir à l’immunité collective synonyme de retour à la vie normale.
D’un point de vue des mathématiques, cet article a été rédigé en utilisant des formules de calcul obtenues avec les probabilités conditionnelles (arbres pondérés) et les évolutions en pourcentages. Cela ne tient pas compte de la fluctuation d’échantillonnage ni d’autres paramètres plus complexes. Il n’a pas non plus été tenu compte de la sur-représentation des personnes non vaccinées lors des tests PCR, ni d’aucune autre caractéristique démographique spécifique. Pour terminer, on entend dans cette étude qu’une personne est vaccinée lorsqu’elle a un schéma de vaccination complet.
Toutefois ces limitations n’influent que sur le calcul de l’efficacité d’un vaccin (d’une façon pas très importante) et pas sur l’interprétation.
Vous trouverez ci-dessous une vidéo expliquant l’obtention des différentes formules de calcul.
Pierre Geneste, le 21/07/2021